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"Le fou témoigne de fonctions et de problèmes 
qui témoignent de l'humanisation possible d'un chacun 
- bref, de l'Homme en devenir, quel qu'il soit. 
Ce qui ne justifie pas de lever un monument à son sujet 
là où nous devrions nous poster les jours de travail, plutôt que les jours de fête." 

         François Tosquelles (1977, La Chasse aux mots)
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19 novembre 2016

Un homme est mort sous les balles de la Police.

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Le vendredi 2 septembre 2016, un homme est mort sous les balles des forces de l'ordre. Cet homme était suivi par un des secteurs psychiatriques du Val de Marne. Une visite à domicile par l'équipe soignante visait à le ré-hospitaliser. En difficulté face à l'agitation de ce patient, l'équipe soignante a appelé la police en renfort.

C'est par voie de presse que nous avons appris sa mort.

Fait regrettable, un tel drame n'a été que très peu relayé. Fait encore plus regrettable, quand un organe de presse s'en charge1, c'est pour alimenter les peurs et nourrir les fantasmes en stigmatisant le malade comme « agresseur » alors qu’il s’agit avant tout d’une personne vulnérable, avant même d’être victime des balles de la police. Cette formulation réactualise outrageusement le mythe du « fou dangereux ».

Nous n'avons eu que très peu d'éléments contextuels, mais cela doit-il pour autant nous empêcher de penser ?

"Les deux infirmières et les deux équipes de police intervenues ce vendredi chez un malade psychiatrique de Vincennes ne sont pas près d’oublier la scène à laquelle ils ont assisté. Une violente agression qui s’est soldée par une policière blessée et l’agresseur abattu.

 Vers 11 heures, les deux infirmières qui viennent donner son traitement à cet homme de 29 ans se heurtent à son refus. Appelés en renfort, les équipages de police de Vincennes et de Fontenay le trouvent retranché dans une pièce, un couteau de cuisine de 30 cm de long en sa possession. Quand la police lui intime l’ordre de sortir, l’homme finit par le faire, mais il fonce alors vers une policière, brigadier-chef de Vincennes et lui donne un coup de couteau à la nuque. Devant cet accès de violence soudain, la policière agressée et l’un de ses collègues tirent sur lui. Malgré les premiers soins prodigués, il décède peu après. La policière blessée est évacuée par les pompiers à l’hôpital Bégin. Sa plaie ne semble pas grave, mais elle est, de l’aveu de ses collègues sur place, « extrêmement choquée. » « Tout s’est passé tellement vite, raconte le gérant de l’auto-école située au pied de l’immeuble. Le temps de voir les policiers arriver en courant, j’ai entendu les trois coups de feux. C’est terrible parce qu’on ne sait pas ce qui se passe. J’envisageais déjà comment m’enfuir s’il s’agissait d’une attaque terroriste."

Le Parisien du vendredi 2 septembre 2016.

 Que sa mort soit traitée médiatiquement comme un banal fait divers qui figurerait dans la rubrique « chien écrasé » nous affliges, sans que pour autant nous soyons étonné-e-s. Nous nous sommes ainsi réuni-e-s2 pour tenter de restituer la part d'humanité qui lui a été honteusement retiré. Et d'une certaine manière, nous nous sentons responsables devant un tel drame. « Responsables non pas des victimes mais devant les victimes » comme le disaient Deleuze et Guattari.

L'article en question véhicule un discours sécuritaire et une hiérarchisation cynique des humains. Alors que les blessures « pas graves » de la policière retiennent toute la compassion des « journalistes »3, la personne du malade elle, n’existe pas, elle est tue. Nous ne retiendrons d’elle que le mot « violence ». Peu importe le drame éthique que représente cette réification de l’humain, dont la subjectivité est niée, disqualifiée. Ici le malade n’est plus considéré comme une personne, faite de son histoire, de son vécu, traversée par des mouvements psychiques complexes, qu’il faut se donner le temps d’analyser pour comprendre, mettre en sens, mais bien comme un anormal qui ne se conforme pas à la « norme ».

Un homme est mort sous les balles des forces de l’ordre. Il n’était pas armé d’une arme à feu mais d’un couteau. Vaut-il la peine de convoquer cette nuance ? Vaut-il la peine de souligner que de telles situations sont toujours extrêmement complexes et qu’il n’y a pas de réponse univoque pour les traiter ?

Ce n’est pas uniquement par intuition ou par un quelconque humanisme moral mal dégrossi que nous défendons ces positions, mais bien précisément parce que nous sommes traversés au quotidien par ces questions, dans nos métiers et au travers de nos propres histoires. Nous gardons - et c’est sûrement pour cela que nous nous retrouvons autour de cette commission - cette fragilité, cette imperfection, seules à même de laisser de la place à de l'autre en nous. Nous revendiquons ce déséquilibre permanent.

Nous sommes touché-e-s en plein cœur lorsque nous apprenons la mort d’un patient, un « malade psychiatrique ». Et parce qu'il était « malade psychiatrique », nous savons ô combien il devait se trouver dans une grande souffrance, pris par ses angoisses, et dans une colère extrême face à cette intrusion dans son domicile. Colère qui trouve sûrement un sens à qui veut bien l’écouter… Il aurait pu en être autrement.

Cette tragédie nous oblige à affronter a minima quatre questions. Celle de l'impact des « hospitalisations sous contrainte » et des « programmes de soins » protocolaires. Celle de l'intrication des soins et des forces de l'ordre. Celle de la destruction du service public hospitalier organisée par les politiques au pouvoir. Et enfin, la question de la criminalisation des personnes en souffrance psychique et de la dérive sécuritaire qu'ils subissent.

Il nous semble plus que jamais urgent de discuter collectivement de ces questions. Et pas seulement dans des commissions comme la nôtre, mais aussi au sein même de l'hôpital, avec l'ensemble de celles et ceux qui sont concernés par ces questions.

Nous sommes déjà au travail pour proposer une publication plus longue qui développera ces questions et leurs corollaires. Nous sommes ouverts aux contributions et témoignages.

La Commission Psy, Soins et Accueil.

1 Le Parisien.

2 Autour de la Commission Psy Soins Accueil.

3 Laure Parny avec Corinne Nèves.

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